Commentaire sur Esther: Préface

Esther est un livre moderne. Malgré les vingt-cinq siècles qui nous séparent des événements décrits, l’atmosphère générale du livre et les thèmes soulevés sont d’une grande actualité.

Pour commencer, Dieu semble le grand absent du livre. Nulle mention de son nom. Personne ne parle de lui, ni ne l’interpelle. Ce sécularisme rend le livre très actuel. Mais attention, Dieu n’est pas absent. Il est très présent dans l’histoire d’Esther, mais sa présence est voilée. L’Eternel n’est pas l’acteur principal qui attire les regards, mais le metteur en scène qui, dans les coulisses, orchestre le mouvement général. Quand il intervient, les renversements de situations sont titanesques.

Le livre d’Esther aborde aussi des questions qui préoccupent l’homme moderne : sexisme, féminisme, racisme, génocide. Mais comment le classer ? Est-il un modèle pour les féministes et les minorités opprimées ? Les avis sont partagés. Certains utilisent le livre comme un guide pour les minorités qui conteste un pouvoir totalitaire, alors que d’autres fulminent contre un ouvrage qui mépriserait les femmes. La question de la manière dont les petits peuvent résister à un tel pouvoir totalitaire se pose également. Ont-ils le droit de séduire et de tromper pour arriver à leurs fins ? Esther est-elle un modèle à suivre ? Quant aux derniers chapitres du livre, ils soulèvent la question des sanctions : la légitime défense, voire la peine capitale, sont-ils permis ou même demandés par Dieu ? Le livre d’Esther est passionnant et actuel. Sa contribution à la question de la survie dans un monde hostile mérite d’être méditée.

Sur le plan littéraire, Esther est une œuvre dynamique et équilibrée, dont la lecture est tout à la fois plaisante et fascinante. Elle interpelle aussi et suscite la réflexion, car l’auteur sait taire certaines informations pour mieux faire réfléchir. Pourquoi Vasthi ne voulait-elle pas se présenter devant le roi ? Pourquoi Mardochée ne voulait-il pas se prosterner devant Haman ? Pourquoi Esther n’a-t-elle pas exprimé sa demande immédiatement au roi, mais l’a reportée par deux fois au lendemain ? Dans le monde des intrigues (de la cour), le livre est lui-même une intrigue.

 

Notre étude d’Esther commence par sept chapitres consacrés à l’ensemble du livre.

  1. Un aperçu de l’écho que le livre a reçu dans différents milieux.

  2. Une synthèse des données sur les caractères des principaux personnages.

  3. Une analyse des caractéristiques littéraires et de la structure du livre.

  4. Une comparaison avec quatre autres personnages de l’Ancien Testament.

  5. Une réflexion sur le message spirituel, éthique et eschato­logique du livre.

  6. Un examen des questions historiques : contexte et identifi­cation des principaux personnages.

  7. Quelques propositions sur la date de rédaction et l’auteur du livre.

Dans la partie commentaire, chaque chapitre est précédé de quelques considérations générales, car le souci tout au long du commentaire est d’interpréter le détail à la lumière de l’ensemble. A la fin de chaque chapitre, plusieurs références à d’autres passages de l’Ecriture élargissent la portée des principes soulignés et encouragent le lecteur à poursuivre sa réflexion spiturelle.

Pour faciliter la lecture, certains développements plus techniques, ainsi que d’autres interprétations sont souvent renvoyés en note de bas de page. Les lecteurs intéressés par ces aspects pourront aisément s’y référer. Quant aux autres, ils ne verront pas leur lecture alourdie par des éléments secondaires. Dans cette optique, l’analyse de la traduction grecque des Septante est reléguée en annexe. Au chapitre 6, les lecteurs moins motivés pour les questions critiques pourront sauter certains développements sur les questions historiques.